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Conseil d’administration des entreprises en démarrage : un appel à l’action

Au cours des derniers mois, on a beaucoup écrit sur l’arrogance de certains fondateurs et gestionnaires. Alors que nous entrons dans un nouvel âge de l’incertitude (bye bye 2020!), les actionnaires de ce secteur, investisseurs en tête, y sont allés d’une multitude de conseils sur la façon dont les fondateurs devraient naviguer sur ce marché dont la dynamique n’est plus la même.

Mais il semble qu’on ait fait abstraction d’une autre faction de la direction d’une entreprise : le conseil d’administration. Quel rôle joue le conseil d’administration et comment peut-il aider les entreprises en démarrage, surtout en ce moment? Pour répondre à cette question, nous allons expliquer l’importance manifeste du conseil d’administration, identifier les nouvelles tendances en matière de gouvernance et voir comment le conseil d’administration peut être un précieux allié dans le contexte d’affaires actuel.

Quel rôle joue le conseil d’administration?

Bien que plusieurs entreprises en démarrage ou naissantes n’aient pas de CA officiel, voire pas de CA du tout, il n’en demeure pas moins que mettre en place, avant même d’y être obligé, un système de gouvernance composé des bonnes personnes peut d’entrée de jeu augmenter la valeur de l’entreprise.

À un niveau élevé, le conseil d’administration a pour rôle de prévenir les conflits d’intérêts et de maximiser la valeur des actions des porteurs et porteuses de parts. Il doit, de concert avec la direction, chercher à protéger les intérêts de tous les actionnaires en veillant à une imputabilité et transparence. Grâce aux connaissances et à l’expérience de ses membres, le CA peut contribuer à accroître la valeur de l’entreprise de maintes façons — nouvelles relations, liens d’affaires et conseils, par exemple.

Du point de vue légal, les responsabilités du CA sont définies par les lois du lieu d’incorporation de l’entreprise, les clauses de cette incorporation et parfois les règles des autorités en valeurs mobilières pertinentes, quand il s’agit d’une entreprise publique. On nomme souvent « gouvernance d’entreprise » l’ensemble de ces responsabilités officielles, qui peuvent aussi comprendre le devoir de diligence, le devoir de loyauté et, plus important encore, une obligation fiduciaire de faire passer les intérêts d’une autre partie (les actionnaires) avant les siens.

Pourquoi un fondateur ou un PDG voudraient-ils instaurer un CA alors qu’ils administrent déjà l’entreprise?

Les fondateurs et les co-fondateurs de l’entreprise ont sans doute passé des semaines, des mois, voire des années, à établir les bases de leur produit ou de leur service, à peaufiner leur modèle d’affaires et à former une équipe de rêve. Ils peuvent juger inutile, peut-être même illogique d’ajouter un autre niveau de gouvernance et de se dessaisir de leur pouvoir, mais voici quelques bonnes raisons de le faire :

  • Le Conseil encourage les fondateurs à conserver leur honnêteté intellectuelle et les pousse à réaliser tout leur potentiel.
  • Les membres du Conseil les aident à identifier les angles morts et les partis pris, auxquels nous sommes tous vulnérables.
  • L’apport du Conseil aide les fondateurs à gérer les conflits, notamment ceux mettant en cause les co-fondateurs.
  • La raison d’être du Conseil consiste à devenir un prolongement de l’équipe. Tout comme les grands entrepreneurs cherchent des compétences qu’ils ne possèdent pas eux-mêmes, ils peuvent aussi se servir de leur CA en ce sens et l’intégrer à leur progression vers les objectifs stratégiques de l’entreprise.

Qu’est-il arrivé aux CA au cours des dix dernières années?

Composition : Avec les évaluations qui tendent à monter et le financement qui est plus cordial envers les fondateurs, ceux-ci cèdent moins de leur entreprise. En conséquence, la composition du CA des entreprises en démarrage a fondamentalement changé au cours des dix dernières années. Il arrive couramment que les fondateurs gardent beaucoup plus longtemps le contrôle du Conseil, qui peut par ailleurs être composé de membres de leur famille ou d’amis qui n’ont pas nécessairement les compétences ou l’expérience pour orienter la croissance stratégique de l’entreprise. Malheureusement, cela engendre parfois une sorte de mentalité de meute ou des guerres d’ego qui finissent par freiner l’entreprise.

Structure : De nos jours, il est fréquent que les CA ne soient pas structurés : réunions improvisées, absence de sous-comités, absence de rétroaction sur la performance du PDG. Dans certains cas, les principes de gouvernance sont jetés aux orties, ce qui peut donner lieu à beaucoup de confusion et de blâmes quand la situation déraille.

Conseil et plus-value : En partant de l’hypothèse que certains CA d’entreprises en démarrage manquent de structure et que leurs membres n’ont pas d’expérience pertinente, on est en droit de se demander s’ils ont bien rempli leurs devoirs au cours des dernières années. Les administrateurs ont-ils fait leur travail, c’est-à-dire analysé toutes les options et donné des conseils avisés à l’équipe de direction? Ou se sont-ils contentés d’alimenter la quête frénétique de valeur et les attentes financières irréalistes de la direction et des investisseurs?

Intérêts de l’entreprise : Avec l’affluence d’investisseurs « touristiques » issus de sociétés de capital de risque, de sociétés de capital-investissement traditionnelles (preneuses de positions minoritaires) et de fonds spéculatifs, il s’est instauré un nouvel état d’esprit que personne n’a remarqué au début. Ces investisseurs commencent à montrer leur vrai visage, qui reflète leur façon d’investir et l’importance de leur actionnariat. Plusieurs investisseurs veulent exercer un contrôle sur l’entreprise, alors qu’ils n’y détiennent pas de participation majoritaire, et s’étonnent ensuite d’être remis à leur place par les fondateurs et la direction. D’autres abandonnent tout simplement le navire et ne sont d’aucun secours quand les choses se mettent à aller de travers. Ce n’est peut-être pas surprenant ou nécessairement répréhensible, mais en tant qu’administrateur du Conseil, l’administrateur investisseur doit faire passer les intérêts de l’entreprise en premier — les intérêts de tous les actionnaires et non les siens propres ou ceux du fonds qu’il représente — et de gérer adéquatement cette situation (qu’on appelle souvent « porter deux chapeaux »).

Quel doit être (et ne doit pas être) le rôle du Conseil dans le contexte actuel du marché?

Bousculé par les remous qui agitent les marchés, le CA d’une entreprise en démarrage doit prendre une multitude de décisions difficiles. Ces entreprises qui, il y a quelques mois encore, prospéraient dans un marché haussier pourraient tout à coup se trouver obligées de réduire leurs coûts, d’allonger leur piste de démarrage ou de réviser leur stratégie de croissance. Afin de remplir leur obligation visant à privilégier les intérêts de tous les actionnaires, le conseil d’administration devrait :

  • Participer activement à l’analyse des occasions et des risques (et des sacrifices) pour l’entreprise;
  • Aider le PDG et la direction à prendre les décisions cruciales et demander à l’équipe d’en rendre compte afin d’assurer la durabilité et la réussite de l’entreprise;
  • Faire en sorte que les membres du Conseil s’entendent sur les décisions importantes et le plan d’action;
  • Si nécessaire, contribuer à informer les actionnaires du progrès accompli et des décisions prises.

Il incombe à chaque membre du Conseil, soit-il un administrateur indépendant, un administrateur investisseur ou autre, de se retrousser les manches et d’aider l’entreprise à se tailler une place sur ce nouveau marché en lui présentant des conseils financiers avisés et des façons avérées d’attirer des clients, des partenaires ou des investisseurs. Cela ne veut pas dire que ce faisant, le Conseil fait de la microgestion du haut de sa tour d’ivoire. Cela veut dire que le Conseil joue son rôle de véritable partenaire dans l’entreprise.

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